SFR la joue en solo sur le THD: le déploiement national va-t-il craquer ?

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SFR veut fibrer la France en toute indépendance. Un plan qui brise les schémas de déploiement pré-établis du THD qui avaient déjà besoin d’être accélérés selon l’ARCEP.

La volonté de SFR de fibrer la France entière est-elle compatible avec le plan France Très Haut Débit de l’Etat ?

Le régulateur des télécoms émet des préoccupations vis-à-vis de la volonté de l’opérateur télécoms (propriété du groupe Altice) de se lancer dans une couverture totale de la population française sans prendre en compte les déploiements ou projets existants en matière de THD fixe.

Faute de mutualisation des réseaux, le déploiement THD et  le pilotage par l’Etat de ce chantier stratégique vont-t-ils craquer ?

Rappelons d’abord les nouvelles nuances apportées en matière de déploiement.  Si la fibre demeure la technologie de référence, elle n’est plus la seule option envisagée.

Le Président de la République Emmanuel Macron a évoqué une couverture « en haut et très haut débit » d’ici fin 2020 (ou du moins de « bon haut débit »).

Une volonté est affichée d’accélérer le calendrier élaboré lors du précédent quinquennat sous François Hollande.

Mais la perspective de la fibre pour tous s’éloigne pour se rabattre sur des solutions d’alternatives d’accès comme le satellite ou la 4G fixe.

« Agir vite »

Lors d’une audition en commission au Sénat en date du 25 octobre, Sébastien Soriano, Président de l’ARCEP, et Pierre-Jean Benghozi, membre du collège de l’autorité de régulation des télécoms, ont apporté des précisions sur l’évolution de la couverture numérique du territoire.

Les deux experts ont prôné « une forte accélération » des déploiements de fibre optique en zone conventionnée « AMII » (voir encadré).

Orange et SFR s’étaient engagés dans ce sens dès 2011 mais le déploiement prend du retard en raison d’atermoiements des stratégies des opérateurs et des priorités (des zones) de financement.

Pour respecter le cadre initialement déterminé, l’ARCEP considère qu’il est nécessaire qu’Orange accélère son rythme de déploiement trimestriel de plus de 60 % et SFR de plus de 70 %. Si les deux opérateurs conservent ce rythme, ils n’y arriveront pas avant…2023.

L’ARCEP souhaiterait donc revoir le cadre de déploiement en zone AMII en vue d’un « repartage ». En impliquant Orange, SFR mais aussi Bouygues Telecom et Iliad/Free plus frileux en termes d’investissements THD au-delà des zones les plus denses.

Dans ce cas, l’ARCEP préconise d’agir vite et sous conditions (« assorti d’engagements juridiquement opposables »).

SFR, « un danger pour l’aménagement du territoire » ?

Dans une éventuelle reconfiguration, l’ARCEP doit également prendre en compte les nouvelles ambitions de SFR en matière de très haut débit édictées en juillet : une couverture de 80 % de la population en 2022 et 100 % en 2025 avec la fibre.

Cette tentation de l’opérateur de faire cavalier seul (alors que des doutes sur les réelles capacités d’investissement de SFR subsistent) oblige l’ARCEP à se montrer vigilante.

D’un côté, elle émet un signal d’alarme dans la presse. « Le schéma de SFR peut être un danger pour l’aménagement du territoire », évoque Sébastien Soriano dans une interview diffusée dans Le Figaro (en date du 26 octobre).

De l’autre, l’ARCEP cherche à se montrer flexible selon la retranscription de l’audition qui s’est déroulée au Sénat la semaine dernière.

Si un territoire accepte le projet de déploiement de SFR dans subventions publiques, l’opérateur concerné devra prendre des « engagements solides et opposables ». Et ce, en harmonie avec le schéma de mutualisation des projets publics préexistants au titre du plan France Très Haut Débit.

Une attitude de la part de l’autorité de régulation que SFR a dû mal à accepter. Selon Les Echos (édition du jour), Michel Combes, P-DG de SFR, a envoyé par lettre une « mise au point » à l’ARCEP.

« Investir dans la fibre sur tous les territoires n’est ni une option ni du mécénat. C’est la base du modèle économique. » Tout en se montrant un brin irrité : « Comment un régulateur aussi soucieux de l’impartialité peut-il sermonner de la sorte celui qu investit ? »

Néanmoins, dans sa lettre, Michel Combes laisse une porte ouverte pour « proposer une solution respectueuse du rôle des collectivités et des pouvoirs publics ».

Dans les plus grands bassins de population, les opérateurs déploient leurs propres réseaux sans difficultés. Mais, pour les zones peu denses et rurales, il va falloir se montrer diplomate pour remettre le déploiement THD à plat.

La migration vers le très haut débit se poursuit avec 6,2 millions d’abonnements (+ 1,4 million sur un an, + 315 000 entre avril et juin), contre 1,2 million un an plus tôt.

Selon ce plus récent bilan trimestriel de l’ARCEP, la fibre à domicile (FttH en anglais) concentre plus de 2,6 millions d’abonnements (+ 215 000 sur le trimestre étudié).

AMII : ces zones conventionnées scrutées par l’ARCEP
AMII est l’acronyme d’Appel à Manifestation d’Intention d’Investissement. Il regroupe une liste d’agglomérations dans lesquelles les opérateurs déploient des réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) dans le cadre de conventions signées avec les collectivités territoriales concernées et l’État.
Ces zones dites « conventionnées » sont suivies avec un grande attention car elles concernent 3600 communes [que l’on pourrait classer dans la catégorie « agglomérations moyennement denses », ndlr], correspondant à 57% de la population. La couverture des zones AMII représenteraient un investissement de 6 à 7 milliards d’euros.
(Source : https://www.numerique28.fr/zone-amii/)