Dossier spécial VoIP/ToIP : le tour de la question

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Migration, technologies, avantages et limites, études de cas, idées reçues : Silicon.fr fait le tour des communications IP en 17 articles

Les principaux obstacles à la migration

Freins psychologiques, peur du changement, complexité… les obstacles ne manquent pas face au changement aussi intéressant et inévitable soit-il.

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Si la VOIP est si prometteuse, pourquoi n’est-elle pas déjà une réalité dans toutes les entreprises ? Les spécialistes interviewés nous font partager leur analyse sur un terrain où l’humain et ses angoisses deviennent une préoccupation majeure, trop souvent négligée.

Les solutions complexes déroutent et éloignent

La complexité incarne une ennemie absolue et procure d’excellents arguments aux défenseurs de l’immobilisme dans l’entreprise, d’autant plus lorsque elle ne dispose pas d’un DSI avec une équipe informatique. « Sans DSI, une entreprise n’ira vers la VOIP qu’à la condition que la solution se révèle simple à déployer et à utiliser, avec un opérateur ou un prestataire qui prend en charge l’opérationnel. Sinon, elle réalisera quelques économies, mais ne se servira pas des nouvelles fonctions. Et cela devient moins beaucoup moins intéressant. De plus, les dirigeants se demandent alors pourquoi changer. Souvent, il faut attendre qu’un problème surgisse avec la téléphonie pour se poser la question du changement éventuel. Une entreprise avec DSI peut exercer une veille technologique et comprend ainsi tout l’intérêt de passer à la VOIP », certifie Jean-Denis Garo.

« Nous devons améliorer la simplicité et la lisibilité de l’offre convergée qui amènera les PME/PMI vers cette migration inévitable. L‘IPBX doit être intégré à une offre de type pack, évitant l’installation ou la configuration de cet équipement par le client : matériel + installation + connexions + services (messagerie, SVI, antivirus…). Si l’installation ou le déploiement posent problème, les PME/PMI se détournent de la TOIP. C’est pourquoi l’accompagnement via des partenaires de proximité contribue fortement au succès, avec la simplification des réseaux comme l’apport du sans-fil : WiFi, DECT… L’enjeu majeur de la TOIP reste l’accompagnement et l’installation », clame Alexandre Wauquiez.

Le poids de l’existant

Certains équipementiers ou opérateurs, souvent leaders et encore très présents sur les anciens équipements, freinent “diplomatiquement” des quatre fers. L’argument de l’“état de fait” peut pourtant surprendre en matière de technologies. « L’analogique représente encore 20 % des ventes chez Alcatel-Lucent. Ainsi en France, 100 % du marché hôtelier est encore en TDM. Et nous équipons des entreprises de 100 à 200 000 utilisateurs. Il faut cesser les discours du type : “Hors IP, point de salut !” Si nous investissons encore sur le TDM, c’est parce qu’il représente encore 2,2 millions de lignes, dont 50 % Alcatel-Lucent, contre seulement 20 % en IP ! En fait, on a un peu trop vite survendu l’IP. Alors que sur le terrain, ce sont les services qui doivent guider les choix technologiques (IP, TDM, DECT…) et d’implémentation », prétend Pierre-Antoine Thiébaut. Un constat que partage Jean-Denis Garo, avec une analyse pourtant différente : « Certaines entreprises préfèrent conserver leurs anciens PABX, parce qu’elles sont satisfaitesde l’existant qui fonctionne bien et répond à leurs besoins, ne nécessitent aucune nouvelle application ou parce que la TOIP ne revient pas forcément moins cher. Cependant, à un moment donné, l’équilibre économique poussera les hésitants envers la VOIP. À nous de leur démontrer la valeur ajoutée, que nous soyons équipementiers, éditeurs, opérateurs. »

Psychologie et accompagnement

Bien entendu, il ne faudrait pas négliger les freins technologiques et les appréhensions des décideurs, y compris techniques. « Deux raisons nous sont généralement avancées pour conserver ou acheter un PABX. Soit l’entreprise souhaite conserver des équipements compatibles (combinés téléphoniques et PABX) ; mais ce motif devient rare. Soit les responsables appréhendent la voix sur IP, craignent une mauvaise qualité de la voix et considèrent surtout l’investissement initial. Néanmoins, les équipementiers confirment que les PABX purs ne représentent plus qu’une très faible part des ventes. Généralement, les choix s’orientent vers un ou plusieurs IPBX ou vers le choix entre deux solutions de Centrex IP »,rapporte Patrice Giami.

Un autre frein psychologique (mais pas uniquement) peut venir de l’utilisateur. Ou plus précisément du manque d’écoute de ses besoins et de ses craintes.« Dans un projet TOIP, il est indispensable de prendre en compte l’utilisateur final dès le départ, afin de s’assurer une bonne adhésion de sa part. Car nous n’aimons pas le changement. C’est pourquoi accompagnement et formation s’avèrent indispensables », affirme Pierre Ardichvili. Effectivement, la quasi-totalité des projets de TOIP difficiles ou mal engagés néglige cet aspect. Un bon accompagnement, avec écoute des craintes et explications pendant tout le cycle du projet, favorise immanquablement sa réussite.

Des infrastructures et des hommes…

Des précautions d’ordre technique et humain sont également à considérer comme dans tout projet d’entreprise.« Attention à ne pas négliger l’infrastructure du réseau local en place, qui n’est pas forcément à niveau pour véhiculer de la VOIP. Une mise à niveau est souvent nécessaire », prévient Michel Dudet. « Côté ressources humaines, il faudra trouver des compétences réseau spécifiques ou former/reconvertir les équipes existantes dans les grandes entreprises ou grosses PME/PMI. Toutefois, la centralisation et la mutualisation feront diminuer les besoins humains. Donc, il faudra penser à la reconversion des techniciens impactés. Ils pourront se former aux technologies informatiques, mais aussi aux nouvelles technologies télécoms (plus valorisantes pour eux). Enfin, le poste de travail de l’utilisateur devient aussi plus complexe. Et il faut planifier un accompagnement et un support : pilotes, show-rooms, documentation, formation… »

Le tout-IP et ses avantages restent rares

« Les entreprises travaillent rarement en IP natif, même si nous disposons d’un réseau totalement IP. La norme SIP n’est pas encore totalement standardisée, ni si répandue. C’est pourquoi la configuration consiste encore souvent à installer une passerelle reliée par une liaison RNIS. Néanmoins, le nombre d’architectures de téléphonie tout IP continue de progresser, mais plutôt dans une deuxième ou troisième phase des projets de convergence », affirme Alexandre Wauquiez.