Le paquet télécoms froisse industriels et consommateurs

Le nouveau paquet télécoms européen est critiqué par les opérateurs comme par leurs utilisateurs. Au cœur de la polémique : le roaming et la neutralité du Net.

Le paquet « continent connecté » adopté le 11 septembre par la Commission européenne est loin de faire l’unanimité. La proposition destinée à réformer et harmoniser le marché des télécommunications ne satisfait ni les opérateurs, ni les défenseurs des libertés numériques.

Au cœur des débats : l’itinérance (roaming) et la neutralité du Net. Dans les deux cas, le point de vue d’organisations de citoyens et de consommateurs s’oppose à celui des industriels.

La fin des frais d’itinérance divise

L’industrie des télécoms parle d’une proposition « accrocheuse » qui risque de porter préjudice à son activité. D’après le lobby européen des opérateurs ETNO (European Telecommunications Network Operators’ Association), la fin des frais d’itinérance souhaitée par Bruxelles leur coûterait 7 milliards d’euros d’ici 2020. De plus, la mesure freinerait l’investissement dans les réseaux de nouvelle génération.

L’UFC-Que Choisir, de son côté, estime que « la fin des frais d’itinérance en 2014 sur les appels entrants depuis l’étranger ne doit pas masquer l’énorme reculade de la Commission sur cet aspect ». L’association de consommateurs rappelle à ce propos que l’agenda numérique présenté en septembre 2010 par la vice-présidente de la Commission Neelie Kroes « proposait une convergence totale entre tarifs d’appels nationaux et itinérants pour 2015, dans le but de faire émerger un marché unique européen des télécoms ». Par ailleurs, les SMS et la data ne sont pas concernés par l’échéance de 2014, alors qu’il en était question il y a peu.

Enfin, l’organisation déplore que l’exécutif européen s’en remette « aux professionnels avec alliances pour des abonnements incluant appels nationaux et européens ». Pour l’UFC : « cette confiance hasardeuse en l’autorégulation risque d’entrainer une augmentation du coût des abonnements des consommateurs et de fausser la concurrence en favorisant les accords entre gros opérateurs ».

La neutralité du Net sur le gril

Bien que le nouveau paquet télécoms de la Commission prévoit d’interdire « le blocage et la limitation du contenu Internet », il offre la possibilité aux opérateurs de fournir des services dit « premium », soit des services à débits élevés garantis pour ceux qui en ont les moyens.

Selon l’UFC-Que Choisir, l’initiative « ouvre grand la porte d’un Internet à plusieurs vitesses ». Elle autorise « explicitement la discrimination commerciale par le biais de priorisation », déplore de son côté La Quadrature du Net. Pour l’organisation de défense des droits et libertés des citoyens, Neelie Kroes a cédé « aux puissants lobbies télécoms, dans un cas flagrant de capture des politiques publiques par des intérêts industriels » et tente de « passer en force quelques mois avant les prochaines élections ».

Une chose est sûre : les opérateurs apprécient cette mesure. Matthias Kurth, président de Cable Europe, organisation de puissants câblo-opérateurs, juge qu’il s’agit d’une des « dispositions positives » de la proposition. À ses yeux, le fait que les opérateurs puissent conclure ce type d’accords commerciaux avec des fournisseurs de services en ligne ne compromet pas le principe de neutralité d’Internet.

Une vision opposée à celle de La Quadrature du Net. Son cofondateur et porte-parole, Jérémie Zimmermann, appelle le Parlement européen à « remplacer cette section du texte par des mesures garantissant l’application réelle et inconditionnelle de la neutralité du Net afin de défendre l’intérêt général ».


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