Suspension de l’écotaxe : le scénario rêvé pour Ecomouv’ ?

Hier, le Premier ministre a suspendu l’application de l’écotaxe, qui repose sur un système M2M qu’installe Ecomouv’. Un consortium qui ne semblait de toute façon pas prêt à collecter cette taxe sur les poids lourds. Et qui est protégé par des indemnités plantureuses en cas d’arrêt du projet.

Mis à jour à 14h30

Déjà décalé par deux fois en raison de dysfonctionnements techniques et de retards, l’écotaxe poids lourds a été hier officiellement suspendue pour des questions politiques. Confronté à la fronde emmenée par les paysans et transporteurs bretons, le Premier ministre a décidé hier de suspendre l’application de cette taxe sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes, taxe qui devait s’appliquer en théorie à partir du 1er janvier prochain. Suspendre et non supprimer, a précisé le gouvernement.

Une précaution oratoire qui s’explique par les clauses dont bénéficie Ecomouv’, le consortium créé pour l’occasion et chargée du financement, de la conception, de la mise en œuvre et de la maintenance du système technique, mais aussi de la collecte de la taxe proprement dite. Un système basé sur des communications M2M reposant sur des portiques installés sur le réseau routier (les 15 000 km de nationales et départementales concernés par la taxe) et des boîtiers embarqués dans les camions.

Ecomouv’ : déjà plus de 800 millions d’investissement ?

Or, pour se délier de ce contrat – un partenariat public-privé signé en octobre 2011 pour 14 ans -, l’Etat devrait verser au total un milliard d’euros au consortium, emmené par l’Italien Autostrade. Dont 800 millions d’euros payables de suite, selon le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, qui s’exprimait hier sur iTélé. « Voilà ce qu’on nous a laissé et voilà pourquoi on ne pas revenir en arrière », a expliqué le ministre, ciblant le précédent gouvernement. Le contrat avec Ecomouv’ porte en effet les paraphes de Nathalie Kosciusko-Morizet (alors ministre de l’Ecologie) et Valérie Pécresse (alors au Budget).

Un chiffre confirmé par Ecomouv’ dans les colonnes du Figaro. Son vice-président, Michel Cornil, expliquant que « la société a déjà engagé entre 800 millions et un milliard d’euros d’investissement et de frais financiers pour mettre en place le projet ». Sans toutefois fournir le détail de ces sommes engagées. Au démarrage du projet, Les Echos avaient révélé que les travaux d’installation devaient coûter quelque 600 millions d’euros, financés « par un pool bancaire, avec Deutsche Bank, UniCredit, Banca Intesa, Mediobanca, Calyon et la CDC, tandis qu’environ 125 millions seront apportés par Autostrade et ses partenaires ». Outre l’Italien, le consortium compte en effet dans ses rangs Thalès, la SNCF, Steria et SFR.

Ecomouv’ précise toutefois au Figaro avoir installé à ce jour 250 bornes mobiles et 180 portiques pour le contrôle des camions. Or chaque portique coûterait entre 500 000 et 1 million d’euros ! Ecomouv’ a également embauché environ 200 personnes dans un centre d’appel à Metz.

Dysfonctionnements persistants

C’est du côté du déploiement des boîtiers de communication (GPS + GPRS) sur les poids lourds que le retard paraît le plus criant. En 2011, les estimations évaluaient à 800 000 le nombre de véhicules devant être équipés (dont 200 000 étrangers). En août dernier, selon un état des lieux demandé par le ministère des Transports, seuls 20 000 avaient entamé leur démarche d’enregistrement, nécessaire à l’installation du boîtier. Le FNTR (Fédération nationale des transports routiers), un groupement de syndicats professionnels du secteur, pointait alors le retard pris dans le lancement de l’opération d’enregistrement, démarrée seulement le 22 juillet dernier.

De facto, Ecomouv’ semble connaître des difficultés récurrentes à mettre en place le colossal système de collecte de données M2M que lui a confié l’Etat. En février 2013, dans un rapport remis au gouvernement de l’époque, Ecomouv’ faisait état d’un « retard sur l’avancement des travaux ». Ce qui avait conduit à l’annulation d’une expérimentation prévue en Alsace. En septembre de la même année, parlant de « dysfonctionnements persistants », l’Etat avait de nouveau décalé l’entrée en application de la taxe, sommant son partenaire de lui livrer, dans les meilleurs délais, un système corrigé, conforme au contrat signé.

Né en 2009 du Grenelle de l’environnement, l’écotaxe devait initialement s’appliquer en 2011. Elle a été plusieurs fois différée (en 2012, en juillet 2013, octobre 2013 et dernièrement janvier 2014). Cette fois-ci, Jean-Marc Ayrault n’a pas précisé de nouvelle échéance pour le projet. Nul doute qu’il sera pressé de trouver une issue à ce dossier épineux. L’Etat versera en effet un loyer de 15 millions par mois à Ecomouv’ à partir de janvier, selon nos confrères d’Europe 1. Une autre clause du très solide contrat dont bénéficie le consortium.

Crédit photo : jonson / Shutterstock


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